ZAPPING POUR LE FUTUR

LE NOUYAU ET L'ÉLECTRON

Dans le néant, Sir Noyau se prélasse,
Certain de sa condition d'être unique.
Le centre du monde est sa place,
Son univers est atomique.
Ainsi, inlassablement le temps passe,
Sans prise sur sa cinétique.

Seul, le ballet des électrons,
Minuscules grains de poussière,
Interprètes de rôles secondaires,
Trouble la paix de sa raison.

Or, le prince géant,
Fatigué par tout ces mouvements,
Décide de faire la leçon
A l'un de ses leptons :
« Mon cher, toute cette agitation commence à me chauffer,
Car comme chacun sait,
Le bon sens de la vie
N'admet que l'inertie.
Nous ne pouvons nier les lois de la physique.
Arrêtez vos enfantillages
Devenez enfin sage
Et demeurez statique. »

«Que votre Dignité nucléaire,
Ne se mette point en colère. »
Supplie l'insignifiante particule.
Bien que je sois petit devant l'autorité,
Ma condition m'enseigne de curieuses idées.
Mais sachez, Majesté, que l'essence d'une loi, n'est point l'ubiquité,
Ainsi, je ne crois point en un monde figé.
Même si je me trompe, voire si je vous bouscule,
J'ai besoin d'expliquer,
Que votre accoutumance à l'inactivité
Me semble à votre insu venir vous endormir,
Vous empêchant ainsi d'apprécier l'avenir,
D'inventer un futur que vous dominerez.»

Aussitôt, le prince titan,
Consterné par tant d'égarement,
Répond à l'électron sur un ton sarcastique:
« Tel discours, mon pauvre, n'est pas très étonnant
Car ceux de votre classe n'ont point de sens critique.
De quelle autorité pouvez vous maintenant
Affirmer qu'ici bas, le mouvement est chronique ?
Cela n'est que chimère, romantisme utopique.
Rêvez si vous voulez,
Mais de me fatiguer je vous prie d'arrêter
Et de continuer serait me faire offense. »

Humblement, l'électron ose encore une réponse :
« Certes majesté, à l'orée de votre prestance
Votre science doit être immense.
Or veuillez, je vous prie, pardonner ma candeur,
Et m'expliquer enfin l'objet de mes erreurs.
Par quelle démonstration pourrait-on certifier
Que vous, sir Noyau, vous êtes l'autorité ?
Quel raisonnement logique pourrait-on avancer
Pour imposer la règle de l'immobilisme
Au monde de la matière, niant le dynamisme ?
Modestement, je crois que ce que vous appelez
Le bon sens critique, base de normalité,
Ne souffre qu'un sujet : ce que vous connaissez. »

En un éclair l'électron disparu,
Et on ne le revit jamais plus.
Sir Noyau n'eut pas la temps,
De lui dire son mécontentement.

Les réponses à nos questions
N'étant point dans nos interprétations du moment,
Ne ferait-on pas mieux de prêter attention
A ce qui nous semble étonnant ?